jeudi 11 décembre 2008

IDÉES JARDIN






























PRENONS UN COUP DE ROUGE.... au jardin


Vous avez tous en mémoire le jardin moderne des années 60  avec ses rosiers polyantas et ses sauges splendides mêlant leur rouge  saignant en un alignement  régulier, souligné par une rangée de  grosses roses d’Inde du plus bel orangé , bordé enfin  d’agératum plumeux  d’un bleu doux déplacé au milieu de cette violence !  Depuis, vous fuyez prudemment le rouge pour vous réfugier dans les tendres harmonies, sauce anglaise....Il en est des meilleures choses comme du reste, on se lasse maintenant du rose délavé , du mauve tristounet  et du bleu layette... J’exagère, mais regardez les bouquets  des ‘’fleuristes branchés’, ils osent les rouges, avec des roses et des jaunes ...  

Attention  la mode  des couleurs fortes gagne le jardin !


J’en reviens au rouge, oubliez le jardin 60 et regardez cette couleur dans tous ses états :  Rouge cru et provoquant,   rouge minium de l’interdit, rouge rosé de la honte, rouge sang de la gloire , rouge sombre de la sensualité, rouge chaud de la braise...

Tout dépend de la  texture de son support : fleur veinée du pétunia, pétale velouté de la rose, soie froissée du coquelicot, chair juteuse de la cerise, rouge parfumé de la fraise ou rouge  gourmand de la tomate. La nature ne s’y trompe pas les fruits rouges  sont remarqués par les oiseaux qui en assurent la propagation, les fleurs exotiques sont souvent d’un  rouge attirant pour les polinisateur de tous poils.

Il fallu attendre la guerre de 1915 pour que l’on abandonne le pantalon garance* ,  pour le bleu horizon ! (*du nom de la teinture rouge) bien qu’une célèbre réplique de cinéma nous dise “Garance c’est le nom d’une fleur”,  c’est surtout celui d’une plante tinctoriale ( Rubia tinctoria) qui fit la fortune du Vaucluse. 

(en 1839 on y compte  50 usines à garance, en 1860 on y produit 50% de la production mondiale)

ATTENTION, il y a rouge et rouge

Le rouge cramoisi des vieux velours et des roses anciennes est un rouge profond teinté de bleu. Le rouge Magenta doit son nom à une bataille qui opposa  Français et Autrichiens en 1859.

Le rouge carmin  dont le pigment est obtenu par la cochenille, est plus vif. 

Selon le feuillage qui les accompagne, vert clair, gris ou vert sombre, leur intensité va être soit soutenue soit atténuée. 

Cette couleur difficile à manier demande un peu d’audace. Réservez vos premiers essais à des potées avant d’entreprendre un massif sur ce thème.

C’est dans un coin un peu sombre, près d’une haie de cyprès, ou contre un mur de pierres que le rouge éclatera de toute sa puissance en toute impunité.   Un rosier rouge grimpant  sera le meilleur ornement d’un façade ancienne et le charme des villages de l’arrière pays tient souvent à ces vieux rosiers  dégoulinant de fleurs écarlates, retenus à un fil de fer rouillé par le temps.

Non le rouge n’est pas vulgaire, j’ai rencontré le bon gros pélargonium zonal (le géranium des grands-mères) bien à l’aise dans un gros pot de terre cuite, heureux dans une vielle bassine percée, et fier et superbe dans une jarre d’Anduze datée et signée Boisset 1860 dans la cour d’un  château. Tout est dans l’interprétation  et la mise en scène.

Voici quelques idées pour l’approcher et l’apprivoiser :  

LE ROUGE CUISINE

Le rouge fait penser à la décoration de cuisine, nappe de vichy , vanneries et casseroles émaillées... Osez un rosier couvre sol sans souci, des pavots, de la sauge, des verveines rampantes , des tabacs et pour un peu de tempérance, romarin ,origan, lavande, herbes culinaires., bordure de fraisiers , quelques groseilliers, un couvre sol comme houttuinia cordata ’Caméléon’ ...... Pensez au basilic à feuilles pourpre. 

Les piments d’ornement ou les poivrons seront de la fête. Osez la superbe architecture du chardon frère sauvage de l’artichaut ou encore le cardon dont le gris métallique soulignera les tons de rouge. Les graminées  accompagnent très bien le rouge, soulignant son charme champêtre. On en trouve de nombreuses variétés maintenant, peu engageantes dans leur godet, sachez qu’il faut un an ou deux pour obtenir de belles touffes grises, dorées ou brunes dont vous ne pourrez plus vous passer dans vos compositions tant leur effet est gracieux.


LE ROUGE CAMPAGNE

Rien de plus tonique qu’un alignement de vieux pots plantés de pélargonium zonal bien rouge. Pour réveiller un mur trop terne, fixez à la manière espagnole une série de pots suspendus débordant de pélargonium de tous les rouges. Un pot c’est une petite note vive, mais une dizaine, cela devient une partition !

Les pivoines et les tulipes botaniques, les lychnis, les benoîtes ont un charme campagnard naturel et là encore les graminées seront indispensables pour les accompagner. 

Si votre terre est bonne, osez les dahlias rouges de bordure à fleurs simples. 

Le rosier rouge devenu classique sur la Côte d’Azur :’ Cocktail’ est redécouvert par les puristes du camaïeu. On commence à s’encanailler dans le rouge avec lui !

Pour les scènes à dominante rouge, évitez cependant les rosiers à grosses fleurs et préférez les forme simples ou semi-double. Cherchez dans les rosiers modernes couvre sol. Ce sont les plus faciles car ils renouvellent leur floraison de manière continue. (voir catalogues)


LE ROUGE NORDIQUE

Les scandinaves privés de la lumière solaire pendant de longs hivers font des jardins éclatants où le rouge s’affiche sans complexe.

Pavots, Tisons de Satan, crocosmias, dahlias, rosiers, etc... sont plantés avec art en mélange avec des graminées et des feuillages de toutes sortes. Beaucoup de fleurs blanches sont ajoutées à ces compositions vives et gaies :  gaura, gypsophille, marguerites, ....


ROUGE EXOTIQUE 

Beaucoup de plantes introduites dans nos jardins du midi ont de somptueuses floraisons rouge : Callistemon, Bougainvillée, Gerbera, Salvia, Grevillea, Fuchsia, Erythrina, Tecomaria capensis, Hibiscus rosa sinensis, Passiflora coccinea, Russelia equisetiformis....


FRUCTIFICATION  & FEUILLAGES  ROUGE  :

Le photinia taillé en haie le long des autoroutes offre des pousses d’un rouge lumineux,

Rhus typhina en automne, Berberis thumbergii au printemps,

Le skimmia japonica en terre acide fructifie en bouquets de baies rouges,

Fructification du rosier rugosa, du  cotoneaster, du houx, de l’arbousier, du fusain du pyracantha

En conclusion, le coup de  rouge donne un coup de tonus au jardin.  Toutes les couleurs sont belles à condition d’êtres utilisées avec goût et mesure ce qui n’exclut pas un brin d’audace.  Vous serez surpris par l’effet tonique qu’il procure, vous ouvrant à des harmonies nouvelles.

Pour commencer votre réflexion, un tour de jardinerie sur le thème du rouge, vous fera découvrir mieux que dans les livres la large palette des fleurs qui se parent de cette couleur joyeuse. Afin de donner toute la puissance à vos compositions, ne radinez pas sur le terreau, le rouge ne supporte pas le chétif!

Quelques suggestions pour vos essais :

Rosiers : Cocktail,  Paul’s Scarlet climbing, La Sevillana , Mozart, Tapis persan, Rouge Meillandecor etc ...  

Vivaces : Benoîte, Lychnis calcedonica, Gerbera, Fuchsia, 

Annuelles : lin rouge, coquelicots, amarante queue de renard, célosie plumeuse....

Bulbes : lis de St Jacques (Sprekelia formosissima), Canna, Amaryllis ,Gloriosa,Chasmenthe, Begonia... Cherchez, vous trouverez bien une fleur qui vous donnera envie de goûter au ROUGE !

 

mercredi 10 décembre 2008

MON JARDIN D'ENFANCE















Les orangers amers


Chacun sait que la chanson de Mignon, dans le charmant opéra-comique de ce nom, commence par ces vers :

Connais-tu le pays où fleurit l'oranger,

Le pays des fruits d'or et des roses vermeilles...

C'est là que je voudrais vivre !”



Mon père était arrivé “au pays où fleurit l’oranger”. Nous avions quitté une triste banlieue parisienne pour ce coin du Var sous le soleil et d’un exotisme raisonnable. Une grande villa du XIXe siècle au milieu d’un parc ensauvagé, un peu loin de la ville  et d’un loyer modeste devint notre demeure .

 A gauche de la villa, protégée du vent par le petit bois de mimosas, une vingtaine d’orangers souffreteux survivaient avec courage.  Leur feuillage jaunâtre aux limbes racornis, leur tronc noueux, témoignaient d’un abandon de longue date.  


Tout à son rêve romantique,  mon père décida de remettre en culture “son orangeraie”. 


Il pris très vite conseil auprès d’un horticulteur du coin :

Il fallait d’abord  arroser. En été, l’eau de la ville  montait avec parcimonie  jusqu’à la villa. Le robinet du jardin même ouvert à fond ne laissait couler qu’un  maigre filet d’eau. 

Il fallait sauver les orangers, toute la famille fût mise à contribution pour  aller vider  à leur pied  les eaux usagées de toutes sortes. Après quelques semaines de ces dévotions, les feuilles, décrispées, reverdirent un peu mais pas à la mesure de notre zèle.


C’était sans compter sur la spécificité du climat méditerranéen : si le ciel est toujours bleu, c’est en partie grâce à l’action tempétueuse du Mistral ;   il chasse les nuages, les bouscule avec fougue. Le ciel est nettoyé et l’atmosphère d’une incroyable pureté offre le maximum d’intensité aux radiations solaires.  

 

Les orangers devenus d’inextricables buissons , demandaient une remise en forme . Les quelques rameaux supprimées par un sécateur bien affûté mirent en valeur de superbes épines de plusieurs centimètres sur le tronc et  sur les branches. L’exercice devenant dangereux, mon père se contenta d’en faire avec application, des boules bien rondes.

 

Les orangers survécurent à l’été meurtrier grâce à l’apport quotidien de nos eaux ménagères. 

A l’automne il décida d’améliorer la terre afin de mieux les nourrir. Curieux, il questionnait les collègues de travail,  à cette époque chacun  d’eux avait encore des attaches paysannes. 

Les recettes  les plus curieuses et les moins coûteuses avaient sa préférence. 

La plume .... Un copain lui avait certifié qu’en enterrant de la plume détrempée au pied des agrumes il aurait des fruits magnifiques.

Nous le  vîmes  avec étonnement éventrer sauvagement deux traversins usagés et un gros oreiller décousu que j’aimais bien, au dessus du bassin en ciment où ma mère lavait le linge. 

Il fit couler l’eau pour mouiller les  plumes qui volaient  partout. Après avoir touillé avec un bâton cette soupe innommable il couvrit le tout d’une bâche. La mixture mijota une bonne semaine pendant laquelle il creusa une profonde saignée autour de chaque oranger.  


Convoquant ses troupes, il demanda à chacun de nous de transporter la mixture dans des seaux  pour la verser dans les tranchées qu’il avait creusées à grand peine.   

Je ne sais si le traitement, quasi sacrificiel,   contenta les agrumes, mais en décembre, les extrémités des rameaux se couvrirent de boutons verdâtres.

La floraison éclata dès février. Le parfum des orangers en fleurs est un enchantement. J’en cueillais en cachette pour les enfermer dans une boite  en carton. Le soir avant de me mettre au lit, j’entrouvrais le couvercle pour une ultime bouffée de senteur.


Ma mère innova et mis une feuille d’oranger à infuser dans le lait  pour le parfumer avant d’y jeter en pluie le riz et le sucre. Le tout collait très vite à la casserole et ce dessert improvisé faisait notre bonheur. Le privilégié qui pouvait gratter la casserole  retrouvait la feuille d’oranger empéguée de sucre et la suçait avec délectation. 

Les fleurs fécondées se transformèrent en petits fruits ronds et durs. On était encore bien loin de l’orange mais le rêve prenait forme. Les fruits se développèrent lentement en se cabossant de plus en plus.  Nous les tâtions tous les jours. L’écorce chargée d’huile parfumée collait un peu aux doigts .

A la fin du printemps suivant, les fruits étaient de la taille d’une orange, mais leur aspect extérieur ne s’était pas amélioré. La peau, écorce rugueuse couverte de vésicules ,  se colorait   peu à peu  d’orangé entre les bosses. N’y tenant plus mon père en cueillit une devant la famille réunie pour la cérémonie.

Il ne put l’éplucher tant la peau était coriace et dû   trancher le fruit en deux pour découvrir une maigre pulpe, peu juteuse à la fois acide  et pleine d’amertume. 

La déception fût terrible pour mon père. 


Pendant les jours qui suivirent il enquêta auprès des professionnels  sur la raison de cet échec. La réponse était simple : nos orangers étaient des bigaradiers, c’est à dire des orangers amers. Nous aurions dû nous en douter à cause des épines et des feuilles  au pétioles largement ailés.....Il y avait fort à penser que nos orangers vrais avaient gelés une décennie auparavant et que le porte greffe (le bigaradier) avait seul survécu.


Il apprit d’un collègue né à Grasse que le bigaradier  était la seule espèce  cultivée pour l’industrie des parfums.

Au fil des jours il nous distillait l’histoire des bigaradiers.... et le rêve continuait.

“On cueillait les fleurs de fin avril jusqu’en juin, après la disparition de la rosée. Les femmes, montées  sur des escabeaux tout autour des branchage, vidaient leur cueillette sur des draps étendus sur le sol. Ensuite les fleurs étaient amenées dans un local frais où elles étaient étendues en couche mince, puis mises en sac le soir même et enlevées pendant la nuit.

Pour extraire le parfum des fleurs, il fallait distiller. Le produit obtenu était le NEROLI. Le résidu d’eau parfumée dans l’alambic était commercialisé sous le nom d’Eau de fleurs d’Oranger.

Il avait appris aussi que les déchets de taille des arbres donnaient après distillation une essence dite  petit grain.”

Les fruits du bigaradier  étaient cueillis encore verts entre août et décembre.  L’écorce du fruit, retirée en lanières spiralées, donnait après distillation l’essence d’orange amère vendue aux fabriquants de liqueur.

On séchait aussi l’écorce pour l’expédier à l’étranger.

Mon père négligea peu à peu les bigaradiers qui reprirent leur habitudes sauvages.

Ma mère appris la recette d’un apéritif à base de vin rouge, blanc ou rosé qu’elle expérimenta avec des variantes plus ou moins inspirées : oranges entières macérées, écorces séchées au four, vanille  ou ajout de citrons.... Les amis de passage avaient droit à un petit verre d'apéro maison, même le facteur lorsqu'il apportait un colis !

La feuille d’oranger était devenue traditionnelle dans le riz au lait des soirées d’hiver.

Seule dans mon coin, je préparais de savants mélanges floraux dans des bouteilles de lait consignées. J’exposais mes mixtures au soleil dans l’espoir d’obtenir par enchantement, un parfum pour moi seule.