PRENONS UN COUP DE ROUGE.... au jardin
Vous avez tous en mémoire le jardin moderne des années 60 avec ses rosiers polyantas et ses sauges splendides mêlant leur rouge saignant en un alignement régulier, souligné par une rangée de grosses roses d’Inde du plus bel orangé , bordé enfin d’agératum plumeux d’un bleu doux déplacé au milieu de cette violence ! Depuis, vous fuyez prudemment le rouge pour vous réfugier dans les tendres harmonies, sauce anglaise....Il en est des meilleures choses comme du reste, on se lasse maintenant du rose délavé , du mauve tristounet et du bleu layette... J’exagère, mais regardez les bouquets des ‘’fleuristes branchés’, ils osent les rouges, avec des roses et des jaunes ...
Attention la mode des couleurs fortes gagne le jardin !
J’en reviens au rouge, oubliez le jardin 60 et regardez cette couleur dans tous ses états : Rouge cru et provoquant, rouge minium de l’interdit, rouge rosé de la honte, rouge sang de la gloire , rouge sombre de la sensualité, rouge chaud de la braise...
Tout dépend de la texture de son support : fleur veinée du pétunia, pétale velouté de la rose, soie froissée du coquelicot, chair juteuse de la cerise, rouge parfumé de la fraise ou rouge gourmand de la tomate. La nature ne s’y trompe pas les fruits rouges sont remarqués par les oiseaux qui en assurent la propagation, les fleurs exotiques sont souvent d’un rouge attirant pour les polinisateur de tous poils.
Il fallu attendre la guerre de 1915 pour que l’on abandonne le pantalon garance* , pour le bleu horizon ! (*du nom de la teinture rouge) bien qu’une célèbre réplique de cinéma nous dise “Garance c’est le nom d’une fleur”, c’est surtout celui d’une plante tinctoriale ( Rubia tinctoria) qui fit la fortune du Vaucluse.
(en 1839 on y compte 50 usines à garance, en 1860 on y produit 50% de la production mondiale)
ATTENTION, il y a rouge et rouge :
Le rouge cramoisi des vieux velours et des roses anciennes est un rouge profond teinté de bleu. Le rouge Magenta doit son nom à une bataille qui opposa Français et Autrichiens en 1859.
Le rouge carmin dont le pigment est obtenu par la cochenille, est plus vif.
Selon le feuillage qui les accompagne, vert clair, gris ou vert sombre, leur intensité va être soit soutenue soit atténuée.
Cette couleur difficile à manier demande un peu d’audace. Réservez vos premiers essais à des potées avant d’entreprendre un massif sur ce thème.
C’est dans un coin un peu sombre, près d’une haie de cyprès, ou contre un mur de pierres que le rouge éclatera de toute sa puissance en toute impunité. Un rosier rouge grimpant sera le meilleur ornement d’un façade ancienne et le charme des villages de l’arrière pays tient souvent à ces vieux rosiers dégoulinant de fleurs écarlates, retenus à un fil de fer rouillé par le temps.
Non le rouge n’est pas vulgaire, j’ai rencontré le bon gros pélargonium zonal (le géranium des grands-mères) bien à l’aise dans un gros pot de terre cuite, heureux dans une vielle bassine percée, et fier et superbe dans une jarre d’Anduze datée et signée Boisset 1860 dans la cour d’un château. Tout est dans l’interprétation et la mise en scène.
Voici quelques idées pour l’approcher et l’apprivoiser :
LE ROUGE CUISINE
Le rouge fait penser à la décoration de cuisine, nappe de vichy , vanneries et casseroles émaillées... Osez un rosier couvre sol sans souci, des pavots, de la sauge, des verveines rampantes , des tabacs et pour un peu de tempérance, romarin ,origan, lavande, herbes culinaires., bordure de fraisiers , quelques groseilliers, un couvre sol comme houttuinia cordata ’Caméléon’ ...... Pensez au basilic à feuilles pourpre.
Les piments d’ornement ou les poivrons seront de la fête. Osez la superbe architecture du chardon frère sauvage de l’artichaut ou encore le cardon dont le gris métallique soulignera les tons de rouge. Les graminées accompagnent très bien le rouge, soulignant son charme champêtre. On en trouve de nombreuses variétés maintenant, peu engageantes dans leur godet, sachez qu’il faut un an ou deux pour obtenir de belles touffes grises, dorées ou brunes dont vous ne pourrez plus vous passer dans vos compositions tant leur effet est gracieux.
LE ROUGE CAMPAGNE
Rien de plus tonique qu’un alignement de vieux pots plantés de pélargonium zonal bien rouge. Pour réveiller un mur trop terne, fixez à la manière espagnole une série de pots suspendus débordant de pélargonium de tous les rouges. Un pot c’est une petite note vive, mais une dizaine, cela devient une partition !
Les pivoines et les tulipes botaniques, les lychnis, les benoîtes ont un charme campagnard naturel et là encore les graminées seront indispensables pour les accompagner.
Si votre terre est bonne, osez les dahlias rouges de bordure à fleurs simples.
Le rosier rouge devenu classique sur la Côte d’Azur :’ Cocktail’ est redécouvert par les puristes du camaïeu. On commence à s’encanailler dans le rouge avec lui !
Pour les scènes à dominante rouge, évitez cependant les rosiers à grosses fleurs et préférez les forme simples ou semi-double. Cherchez dans les rosiers modernes couvre sol. Ce sont les plus faciles car ils renouvellent leur floraison de manière continue. (voir catalogues)
LE ROUGE NORDIQUE
Les scandinaves privés de la lumière solaire pendant de longs hivers font des jardins éclatants où le rouge s’affiche sans complexe.
Pavots, Tisons de Satan, crocosmias, dahlias, rosiers, etc... sont plantés avec art en mélange avec des graminées et des feuillages de toutes sortes. Beaucoup de fleurs blanches sont ajoutées à ces compositions vives et gaies : gaura, gypsophille, marguerites, ....
ROUGE EXOTIQUE
Beaucoup de plantes introduites dans nos jardins du midi ont de somptueuses floraisons rouge : Callistemon, Bougainvillée, Gerbera, Salvia, Grevillea, Fuchsia, Erythrina, Tecomaria capensis, Hibiscus rosa sinensis, Passiflora coccinea, Russelia equisetiformis....
FRUCTIFICATION & FEUILLAGES ROUGE :
Le photinia taillé en haie le long des autoroutes offre des pousses d’un rouge lumineux,
Rhus typhina en automne, Berberis thumbergii au printemps,
Le skimmia japonica en terre acide fructifie en bouquets de baies rouges,
Fructification du rosier rugosa, du cotoneaster, du houx, de l’arbousier, du fusain du pyracantha
En conclusion, le coup de rouge donne un coup de tonus au jardin. Toutes les couleurs sont belles à condition d’êtres utilisées avec goût et mesure ce qui n’exclut pas un brin d’audace. Vous serez surpris par l’effet tonique qu’il procure, vous ouvrant à des harmonies nouvelles.
Pour commencer votre réflexion, un tour de jardinerie sur le thème du rouge, vous fera découvrir mieux que dans les livres la large palette des fleurs qui se parent de cette couleur joyeuse. Afin de donner toute la puissance à vos compositions, ne radinez pas sur le terreau, le rouge ne supporte pas le chétif!
Quelques suggestions pour vos essais :
Rosiers : Cocktail, Paul’s Scarlet climbing, La Sevillana , Mozart, Tapis persan, Rouge Meillandecor etc ...
Vivaces : Benoîte, Lychnis calcedonica, Gerbera, Fuchsia,
Annuelles : lin rouge, coquelicots, amarante queue de renard, célosie plumeuse....
Bulbes : lis de St Jacques (Sprekelia formosissima), Canna, Amaryllis ,Gloriosa,Chasmenthe, Begonia... Cherchez, vous trouverez bien une fleur qui vous donnera envie de goûter au ROUGE !